
La dermatite atopique (DA) est une maladie inflammatoire chronique qui concerne 2,5 millions de français (1).
Affichante, évoluant par poussées, elle est souvent vécue comme un fardeau par les patients qui en souffrent. Aux symptômes cutanés s’ajoutent des répercussions sur la qualité de vie, les relations avec les autres, voire la santé mentale (2). Une prise en charge globale est indispensable.
Interview vidéo « Vivre avec une dermatite atopique »
Marjolaine Hering, membre de l’association française de l’eczéma.
https://www.associationeczema.fr/
Les réponses à 10 questions fréquentes
Avec la collaboration du Dr Anne-Sophie Darrigade, dermatologue au CHU de Bordeaux.
1.
Quelles sont les principales caractéristiques de la dermatite atopique (DA) ?
La dermatite atopique (DA) est une dermatose inflammatoire chronique qui souvent évolue par poussées.
La majorité des DA débute dans la petite enfance, certaines vont devenir chroniques, d’autres évolueront en poussées. La DA peut également apparaître tardivement chez l’adulte, voire chez la personne de plus de 65 ans.
Elle se caractérise par des rougeurs, des lésions érosives secondaires à des vésicules et un prurit.
Chez les nouveau-nés, la DA touche principalement les zones convexes (joues, faces externes des bras et des cuisses, fesses), alors que chez l’enfant plus grand, l’adolescent et le jeune adulte, elle se manifeste principalement dans la zone des plis (plis des coudes, des genoux, du cou, de la nuque). Chez l’adulte, on a l’habitude de parler de la forme « tête et cou », qui correspond à une atteinte du visage, du cou, du décolleté et de la nuque.
2.
Quelles sont les autres pathologies associées à la DA ?
L’atopie correspond à un groupe de pathologies pouvant atteindre :
– La peau, avec la DA.
– Le système respiratoire, avec l’asthme.
– La sphère ORL, avec la rhinite.
– Les yeux, avec la conjonctivite.
Ces pathologies de l’atopie sont toutes dues au même désordre inflammatoire induit par une surexpression du système immunitaire impliquant les lymphocytes T de type 2 (Th2).
On utilise parfois le terme de marche atopique pour évoquer la modulation des organes atteints chez un patient atopique, au cours de sa vie. Classiquement, la DA au stade nourrisson, puis l’asthme durant l’enfance et la rhino-conjonctivite à l’âge adulte. Il s’agit d’un concept, qui s’observe lors de l’étude de cohortes importantes de patients. Pour autant, rechercher ces comorbidités atopiques reste pertinent, notamment pour permettre de poser le diagnostic de DA.
3.
Est-ce que la DA est d’origine allergique ?
Non, la DA n’est pas une pathologie allergique, c’est une dermatose inflammatoire chronique. Elle est due à deux composantes :
– Une altération de la barrière cutanée qui laisse pénétrer les substances irritantes.
– Une réponse immunitaire excessive.
4.
Comment différencier DA et eczéma de contact ?
Dans les deux cas, il s’agit d’eczéma et l’on pourra les différencier par leur cause. Pour simplifier, on peut dire que la DA est un eczéma intrinsèque puisqu’elle fait suite à un emballement du système immunitaire ; l’organisme du patient est à l’origine de l’inflammation qui va provoquer les symptômes cutanés. L’eczéma de contact est, quant à lui, un eczéma extrinsèque ; c’est une substance extérieure qui va pénétrer dans l’organisme, être reconnue comme allergène et déclencher la cascade de l’inflammation. Dans le cas de l’eczéma de contact, si on retire l’allergène, l’eczéma disparaît. A contrario, même dans une bulle stérile, le patient atteint de DA restera symptomatique.
La recherche des antécédents atopiques du patient ou des antécédents familiaux (terrain atopique), très fréquents dans la DA, peut aider au diagnostic différentiel. Par ailleurs, les patch tests seront très utiles pour diagnostiquer un eczéma de contact et identifier l’allergène responsable, alors que les résultats seront négatifs en cas de DA.
Différencier DA et eczéma de contact est très important car les prises en charge sont différentes.
5.
Dans la DA, existe-t-il des facteurs déclenchant les poussées ? Faut-il les rechercher ?
La DA est une pathologie inflammatoire complexe pour laquelle il y a des facteurs déclenchants. Il peut être intéressant de chercher à comprendre, via l’interrogatoire, pourquoi le patient fait une poussée pour formuler certains conseils qui pourront l’aider dans son quotidien. En revanche, il ne faut pas vouloir forcément trouver une cause, car on n’en retrouve pas toujours et son éviction ne fera pas disparaître la DA.
Parmi les facteurs déclenchants ou aggravants documentés, on peut citer le stress, comme pour toute pathologie chronique, le froid, qui peut augmenter la sécheresse cutanée, la transpiration, en cas de forte chaleur ou de pratique sportive, et les environnements poussiéreux qui constituent des irritants.
6.
Comment évalue-t-on la sévérité de la maladie ?
Les principaux critères qui permettent d’évaluer la sévérité d’une DA sont :
– L’étendue ou la surface de peau atteinte : l’atteinte se limite-t-elle aux zones des plis ou concerne-t-elle également le visage, le décolleté ? La DA est-elle présente sur plus de la moitié de la surface corporelle ?
– L’intensité de l’inflammation : la peau est-elle très érythémateuse ? Peut-on noter la présence de lésions de grattage, de croûtes ?
– La sécheresse cutanée : une peau très sèche est un signe d’activité de la DA.
– La lichénification (épaississement de la peau provoquée par l’inflammation et le grattage).
En pratique, pour déterminer si la DA nécessite une prise en charge thérapeutique, il faut particulièrement être attentif à l’étendue des lésions et au ressenti du patient. Est-ce que sa DA l’ennuie dans son quotidien ? A-t-il renoncé à certaines activités du fait de sa DA ? Est-ce que le prurit le gêne, l’empêche de s’endormir ou le réveille la nuit ?
7.
Le prurit est souvent cité par les patients comme étant un des symptômes les plus pénibles, comment cela s’explique-t-il ?
Le prurit représente une des caractéristiques de cette dermatose inflammatoire chronique. Il est très invalidant et impacte énormément la qualité de vie des patients. Du fait de ce prurit, les patients souffrent de difficultés d’endormissement, de réveils nocturnes, d’insomnies… L’impact sur leur vie personnelle et sociale est lourd et il peut conduire à la dépression.
De plus, c’est un symptôme irrépressible. Il est inutile de demander aux patients d’arrêter de se gratter, c’est inhérent à l’intensité de la maladie. En effet, l’inflammation induite par la DA entraîne la libération de cytokines inflammatoires qui provoquent des démangeaisons et stimulent les fibres nerveuses de la peau.
Le prurit est un des principaux signes d’activité de la DA et une de nos cibles pour le traitement.
8.
Quels conseils donner à un patient atteint de DA ?
Le patient atteint de DA doit veiller à irriter le moins possible sa peau puisque, comme énoncé précédemment, la barrière cutanée est déjà altérée.
Au niveau hygiène, on recommande une douche quotidienne rapide (5-10 min à 35-36°C), plutôt que des bains, et l’utilisation d’un savon adapté aux peaux atopiques. Il est préférable de n’utiliser le savon qu’une fois par jour. En cas de douche itérative, les suivantes seront des douches de rinçage à l’eau uniquement. Dès la sortie de la douche, le patient doit hydrater sa peau avec une crème émolliente, excepté en phase de poussée où l’application peut être douloureuse. Il est également préférable de choisir des vêtements à base de fibres naturelles (lin, coton) et d’éviter la laine et les matières synthétiques. L’intérieur de la maison doit être aéré régulièrement et la température de la chambre maintenue entre 18 °C et 19° C. En phase de poussée, il est préférable de se couper les ongles courts pour éviter de léser la peau davantage.
Bien sûr, il est également important de voir un dermatologue, au moins une fois par an et, en cas de traitement prescrit, de bien le respecter (quantité et rythme d’application).
9.
Quelles sont les complications possibles de la DA ?
Les complications de la DA sont rares et sont principalement d’ordre infectieux, avec :
– L’impétiginisation par streptocoque ou staphylocoque. On observe alors un œdème, des croûtes plutôt jaunes, une douleur, éventuellement associés à une altération de l’état général.
– Le syndrome de Kaposi-Juliusberg dû à une dissémination d’infection herpétique. Il faut savoir le suspecter chez un patient avec une DA active qui présente brutalement de nombreuses vésicules/croûtes et une poussée majeure. Une fatigue est souvent associée.
Les traitements antiseptiques ou antibiotiques locaux doivent être utilisés sur une courte durée, il ne faut pas que cela devienne une routine pour le patient, sinon on fait le lit de la DA.
Les complications cancérologiques de type dégénérescence sont rarissimes. Quelques cas de lymphomes ont été rapportés sur des DA très sévères et très anciennes, sans que l’on sache actuellement s’il s’agit d’un défaut de diagnostic initial ou d’une complication.
10.
Comment prendre en charge un patient atteint de DA et à qui l’adresser ?
Il est important de poser le diagnostic de DA ou au moins l’évoquer. Il ne faut pas hésiter à demander l’avis d’un dermatologue qui va décider de la fréquence du suivi et du traitement à mettre en place. La consultation chez un allergologue n’est pas nécessaire, du moins pas en première intention. En revanche, il peut être pertinent de réaliser au moins un bilan pneumologique pour rechercher la présence éventuelle d’un asthme associé. Les bilans ophtalmologiques ou ORL seront fonction de la symptomatologie (présence de rhino-conjonctivite, gêne oculaire). Une collaboration entre le médecin généraliste, le dermatologue et le pharmacien est importante pour bien prendre en charge ces patients.
Des outils pour accompagner vos patients
Références
1. Société française de Dermatologie (SFD). Le cri d’alerte lancé par la Société Française de Dermatologie [En ligne]. [Consulté le 04/07/2022]. Disponible à l’adresse : https://www.sfdermato.org/media/pdf/communique-presse/sfd-dossier-de-presse-dans-la-peau-des-francais-698b341f63725ea142271ed9b39e0980.pdf
2. Fédération Européenne des Associations de Patients atteints d’Allergies et de Maladies Respiratoires (EFA). Eczéma atopique : Démangeaisons à vie. Qualité de vie et coûts pour les personnes atteintes d’eczéma atopique sévère en Europe [En ligne]. [Consulté le 04/07/2022]. Disponible à l’adresse : https://www.efanet.org/images/2018/FR_-_D%C3%A9mangeaisons_%C3%A0_vie_-_Qualit%C3%A9_de_Vie_et_Couts_pour_les_personnes_atteintes_decz%C3%A9ma_atopique_severe_en_Europe.pdf
Ceci est un état des connaissances dont l’objectif est de fournir des informations sur l’état actuel de la recherche ; ainsi certaines données publiées peuvent ne pas avoir été validées par les autorités de santé françaises. Le contenu a été réalisé sous la seule et entière responsabilité des auteurs, du coordinateur et du directeur de la publication qui sont garants de l’objectivité de cette publication. AbbVie n’est pas intervenue dans le choix et la rédaction des articles. De ce fait, la responsabilité d’AbbVie ne saurait pas être engagée